a flayed man holds no secret. but i'm not a man.
La robe de mariée lui seyait aussi bien qu’au jour de ses dix-huit ans, l’unique grossesse qui avait altéré sa taille n’ayant laissé de trace dans sa chair, ni graisse ni vergetures ni alourdissement. Elle se souvenait, vaguement, de l’émerveillement qu’elle avait ressenti quand ses caméristes l’avait vêtu de blanc pour la première fois. Mais là, dentelles et hermines, escarpins de vair, jupon froufroutant de brocart de soieries ne lui apportait rien d’autre qu’une morne curiosité. En tant que veuve Mallister, elle aurait dû se présenter vêtue du manteau indigo et frappé de l’aigle d’argent, mais à la place de quoi on avait drapé ses épaules du barral-et-corbeaux des Nerbosc. Un lourd tissu de velours rouge gironné d’un barral en fil blanc, entouré de freux brillant d’obsidienne qui s’éparpillaient aux quatre coins du vêtement. Elle sentit encore qu’on soulevait ses cheveux pour les tordre en chignon blond sur son crâne, qu’on enfilait à son cou une lourde torque d’argent ceinte d’une obsidienne. D’un geste agacé, elle chassa le miroir qu’on voulait lui fourrer sous le nez. Elle savait déjà à quoi elle ressemblait, et père n’aurait plus du tarder, lui prendre le bras, l’amener jusqu’au bois sacré de Winterfell et la laisser en devenir la nouvelle dame. La nouvelle dame, quand la forteresse avait déjà un héritier présomptif et d’autres encore, avait déjà une future lady venue de Dorne.
« Je ne pensais pas te revoir vêtue en blanc un jour de plus. » Commenta une voix derrière elle tandis qu’un bras se tendait à son intention. Aussi gracieusement qu’elle le put avec ses lourds jupons, elle se redressa et lança un sourire acéré à son père.
« Pourtant, c’est ce que l’on demande aux gentilles filles et aux gentilles veuves. De se marier, d’être une bonne épouse, d’enfanter. » Déclara-t-elle en levant les bras pour ne pas que ses longues manches ne traînent au sol, prenant ensuite le bras de son père.
« Et tu le seras ? Une bonne épouse. » Elle resta un moment silencieuse alors qu’ils sortaient des appartements pour apparaître dans la cour de Winterfell.
« Je le serais. » Je serais une bonne épouse, comme je l’ai été pour mon Mallister. Je n’enfanterais peut-être pas, mais peu me chaut, et peu lui en chaut à lui, j’en suis certaine. Il a des fils, quel usage aurait-il d’un de plus ? La forteresse se déchira devant eux pour laisser place au bois sacré de Winterfell, au visage solennel du barral et aux corbeaux, tout juste comme à Corneilla, à Eothain Bolton et à ses fils, aux nobles vassaux et à tous ceux jugés digne de venir assister à sa seconde union.
« Qui va là ? Qui s’avance devant le dieu ?» Résonna la voix de son époux, mais ce n’était pas à elle de répondre.
« Tya de la maison Nerbosc vient ici se marier. Une femme accomplie et fleurie, de naissance légitime et noble, elle vient implorer la bénédiction des dieux. Qui vient la revendiquer ? » Plus Nerbosc pour longemps, ni Mallister, bientôt Bolton. Du coin de ses yeux, elle balaya l’assemblée, fixa son regard sur les écorchés. Elle connaissait leurs noms, mais quand à venir en placer un sur chaque tête…
« Moi. Eothain de la maison Bolton, sire de Winterfell, suzerain du Nord. Je la revendique. Qui l’accorde ? » La première fois, elle s’était mariée devant les Sept. En un sens, cela la soulageait de s’unir cette fois devant ses dieux à elle, ceux du Nord, ceux des Nerbosc. Son regard s’arrêta sur un homme aux cheveux bouclés.
Theodan devina-t-elle.
« Patrek de la maison Nerbosc, qui est son père. Lady Tya, voulez-vous prendre cet homme pour époux ? » Et si elle répondait non, tiens ? Elle aurait été curieuse de voir le fouillis s’ensuivant. Ses yeux s’arrachèrent à l’assemblée pour se poser sur Eothain Bolton.
« Je le prends. » Elle constata avec plaisir que sa voix était ferme et assurée, une voix de femme, alors que lors de son premier mariage elle avait tremblé comme feuille morte au vent. Les mains d’Eothain et de Tya se joignirent, leurs têtes s’inclinèrent, et ils prièrent, alors qu’elle-même se demandait bien à quoi elle pouvait prier. De donner un fils ? Que son époux l’aime ?
Mouais songea-t-elle. Ce n’était que des prières fort mal placées. . Alors elle ne pria pas. Elle priait déjà tant les anciens dieux qu’elle était sûre qu’ils ne s’offenseraient pas pour si peu. Sitôt relevés, le manteau des Nerbosc glissa de ses épaules, et son désormais époux vint y mettre à la place un manteau rose, égrainé de grenats et blasonnée de l’écorché de Winterfell en cuir rouge et raide. Après quoi, il vint la soulever dans ses bras pour la porter ainsi jusqu’à la salle de banquet, jusqu’aux cygnes enrobé de miel et aux tourtes de lamproies, jusqu’aux navets au beurre et aux tartes à la pomme, jusqu’à la cérémonie du coucher et jusqu’au lit nuptial.
Elle n’avait pas été une bonne épouse.
Mais qui le savait, et qui s’en souciait ? Sa main se posa, légère, sur le bras d’Eothain et le secoua à peine pour voir s’il dormait bel et bien. Il dormait. Au fil des années, deux maintenant, elle avait appris que le sire de Winterfell dormait d’un sommeil profond, mais elle préférait toujours vérifier avant de se couler hors du lit. Avec un soupir, elle s’emmitoufla d’une robe de chambre, laissant ses pieds nus avant de quitter la chambre à coucher. Sa voix retentit avant même qu’elle n’ait entièrement fermé la porte.
« J’espère qu’il ne t’a pas fait jouir. » Elle laissa un moment sa main en suspens au-dessus du loquet de la porte avant d’esquisser un sourire amusé et de la refermer définitivement, sans un bruit.
« Est-ce que tu tiens vraiment à le savoir ? » Rétorqua-t-elle d’un ton étrangement léger en se tournant vers Theodan, adossé contre le mur en face de la porte. Elle avait marié le mauvais homme, songea-t-elle encore en le regardant. En le voyant prêt à ouvrir le bec, elle s’approcha pour poser son index sur sa bouche et lui intimer le silence.
« Peu importe. C’est toi que je veux pour me faire jouir. » Lui souffla-t-elle dans le tuyau de l’oreille.
« C’est toi que je veux tout court. » C’est toi que j’aime.
« Alors tais-toi, déshabille-toi et utilise ta bouche à autre chose, tu veux ? Comme m’embrasser. Je préfères quand tu m’embrasses que quand tu parles. » Sa bouche à elle se logea dans son cou pour le mordiller doucement alors que ses doigts s’affairaient déjà à le délester de ses chausses. Ils avaient dix minutes, peut-être, dix minutes de tranquillité dans ce couloir. Elle ne voulait pas attendre et n’attendrait pas. Ils auraient tout le restant de la nuit, ensuite, pour se trouver une chambre vide, une pièce vide, un coin d’herbe. N'importe quoi, avant de faire à nouveau semblant.